Mangamania : la folie des mangas

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Publié le 21 février 2022

Mangamania : la folie des mangas

 Par Marianne Roy

 

Tout d'abord, qu’est-ce qu’un manga?

Le manga est une bande dessinée japonaise. Il est régulièrement de petit format (à peu près la taille d’un roman en format poche), en noir et blanc et à couverture souple recouverte d’une jaquette en couleurs. Chose particulière pour ce format, c’est qu’il respecte le sens de lecture japonais. C’est-à-dire, de haut en bas et de droite à gauche. Pour lire un manga, on doit donc commencer par ce qui nous semble être la fin, les pages se tournant dans le sens inverse de nos livres. Par souci d’économie, et par respect de l’œuvre originale, les éditeurs occidentaux ont conservé ce même sens de lecture, traduisant simplement les kanji dans les bulles de dialogues, obligeant le lecteur à s’adapter. Notons cependant que certains traducteurs se sont risqués à retourner les pages au risque de créer des incohérences dans le déroulement de l’histoire. L’écrasante majorité reste toutefois « à l’envers ».

 

Le mot « manga » lui-même désigne ce qu’il est. Bien que complètement intégré à la langue française, il s’agit en réalité d’un mot japonais composé de deux kanji. Il peut se traduire comme « image dérisoire ». Le « ga » fait référence au dessin et le « man », au divertissement. Pour approfondir la question, il faut toutefois retrouver l’origine du manga.

 

Les origines du manga 

Certains historiens associent l’origine du manga aux estampes japonaises, cousines de la calligraphie qui représentaient des dessins simples sur des rouleaux de parchemin. Les estampes japonaises devenaient donc des « Rouleaux narratifs illustrés ». Elles pouvaient représenter des paysages artistiques, des moments de vie quotidienne et parfois humoristique. C’est cette dernière branche qui nous intéresse. À la fin de la politique d’isolement du Japon, à l’ère Meiji (1868-1912), son histoire débute réellement. S’ouvrant à ses voisins et aux Occidentaux, un échange culturel commence à prendre place pour le peuple japonais. La bande dessinée, notamment, arrive au Japon par le biais de journaux, de caricatures européennes et fait évoluer l’art et les moyens de le publier.

On estime que le premier manga connu fut publié en 1902. Cette bande dessinée humoristique publiée dans un journal mettait en scène un arroseur arrosé. L’auteur RakutenKitazawa voulait adapter un court-métrage des frères Lumières dans les débuts du cinéma. Artiste peintre de son état, il fut le premier à se définir lui-même comme « mangaka ». Il fonda même son propre magazine dans lequel il publia plusieurs de ses œuvres.

Le terme « mangaka » désigne aujourd’hui le créateur d’un manga.  Beaucoup de bandes dessinées occidentales sont le résultat du travail combiné d’un auteur et d’un illustrateur, le mangaka englobe ces deux rôles. Kitazawa est aujourd’hui considéré comme l’un des pères du manga.

Le manga s’est donc popularisé par le biais des journaux, au même titre que les bandes dessinées humoristiques et les caricatures. Les chapitres se publiaient de manière hebdomadaire ou mensuelle selon le média à la façon d’un feuilleton. Au moment de la Deuxième Guerre mondiale, il servait de propagande au gouvernement comme à peu près tous les médias de l’époque dépeignant la guerre comme glorieuse afin de motiver la nation et les efforts de guerre. Ceux qui tentaient d’aller à contre-courant étaient rappelés à l’ordre par le gouvernement.

Ce n’est qu’une fois la guerre terminée que le manga prend son essor, en grande partie grâce à l’influence des comics américains. La population, usée par la guerre, voit alors dans ce média un moyen d’évasion. Sa popularité est grandissante. L’un des grands artisans de ce mouvement est le mangakaOzamuTezuka. Il est, entre autres, le créateur d’Astroboy (alias TetsuwanAtomu). Vendue à plus de 100 millions d’exemplaires, c’est l’une des bandes dessinées les plus vendues au monde. Il crée aussi une maison de production de dessins animés (anime au Japon) et est derrière de nombreuses œuvres populaires, ce qui lui vaut, au Japon, le titre de « dieu du manga ». C’est d’ailleurs lui qui instaure le style des « grands yeux expressifs » que beaucoup de mangas arborent et qui est aujourd’hui considéré comme l’une de ses caractéristiques principales.

La plupart des mangas et séries japonaises que nous connaissons nous sont venus par le biais des dessins animés. Goldorak (YufoRoboGurendaiza), Rémi sans famille (le Naki no), Il était une fois Gigi (Maho no princes Minky Momo), Juliette je t’aime (Maison Ikkoku), Candy Candy (KyandiKyandi), Ken le survivant (Hokuto no ken), Olive et Tom(KyaputenTsubasa) n’en sont que quelques exemples.

Plus récemment, on n’a qu’à penser à Pokémon, Sakura chasseuse de cartes, Naruto, Dragon ball ou Sailormoon.

Le manga est aujourd’hui une véritable industrie. Les séries les plus populaires sont adaptées en anime et sortent au même rythme à la télé que sur papier. Des millions de mangas sont exportés chaque année. Si au début de son essor on le qualifiait plutôt d’enfantin, puisque ses publications les plus populaires étaient destinées à un public jeune, les genres se sont diversifiés à toute vitesse, offrant à présent une gamme très variée pour tous les styles de lecteurs.

 

Les genres du manga

Le manga se décline dans autant de genres que les romans. Toutefois, les noms japonais de ces genres sont restés et sont même écrits tels quels sur les mangas dans les marchés francophones. Quatre genres reviennent plus souvent que les autres, car ils englobent une très large partie du lectorat. Plutôt que de représenter son média, ils désignent plutôt leur public cible.

Commençons par le Shonen, qui signifie « garçon adolescent », mais dans un sens assez large pouvant couvrir les 8 à 18 ans. Dans cette catégorie, on regroupe les histoires d’aventure, d’action, de sport, de combat. Bien entendu, ce type de lecture peut également plaire à un lectorat adulte ou féminin. Le plus souvent, cette catégorie met en scène des valeurs comme le courage, le dépassement de soi, la justice et l’amitié.  Le Shonen est difficile à définir, car il regroupe un très vaste champ des possibles quant aux univers et aux personnages.

Exemple de série Shonen:

Ensuite vient le Shojo, qui signifie « fille adolescente ». Un peu le miroir féminin du Shonen, il englobe tout, dans une définition assez large, « ce qui plaît aux filles » (mais soyons clairs, messieurs, si vous voulez lire un Shojo, faites-vous plaisir! Il n’y a pas d’interdits). On retrouve dans ce genre beaucoup de thématiques amoureuses, de la romance, de l’amitié et de la famille. Les émotions sont également très importantes ou, pour résumer les choses, ce sont les relations humaines qui sont mises de l’avant. Il ne faut pas non plus croire qu’il s’agit de jolies histoires toutes roses. Lorsque notre sujet principal est l’humain, cela vient avec sa part de drame. Le Shojo peut donc mettre en scène des personnages aussi troublés que fragiles dans sa manière de présenter la vie. Étant donné qu’il cible un public adolescent, une grande partie des histoires se situent dans un contexte scolaire et, le plus souvent, il met en scène une héroïne féminine.

Exemple de série Shojo:

Poursuivons avec le Seinen. Ce genre est dit pour « jeune homme » et fait en quelque sorte suite au Shonen, mais cible un public plus adulte. Cela peut être à cause de la présence de violence ou de sexualité non recommandée à un public juvénile, mais peut également être dû à la présence de thématiques qui ne s’adressent pas à un public plus jeune. D’un style plus réaliste, il peut mettre en scène des adultes auxquels un jeune public s’identifie moins et, avec un rendu plus mature, présenter une histoire plus complexe et des personnages plus nuancés où des drames se jouent à un niveau plus émotif et moins spectaculaire.

Exemple de série Seinen:

La même catégorie existe pour les filles, sous le nom de Josei. Il est destiné à un public de femmes adultes, présente des thématiques telles que les relations amoureuses, la séduction, et autres préoccupations de la femme moderne tels que le célibat, le travail, le partenaire idéal et le mariage. Bref, des sujets qui ne correspondent pas nécessairement au public cible du Shojo, plus jeune. Comme le Seinen, il en existe également qui mettent en scène de la violence et de la sexualité et sont donc déconseillés pour les lecteurs non avertis.

Exemple de série Josei:

Voilà les quatre genres de base. Ils peuvent ensuite se décliner en une infinité de sous-genres comme on peut en retrouver dans la littérature : horreur, fantaisy, policier et bien d’autres.

 

Les mangas populaires et meilleurs vendeurs

De nombreux mangas sortent chaque année au Japon. Très nombreux. Difficile de mettre la main sur les chiffres exacts, mais ça se compte en milliers. Le marché du manga, au Japon, est ardu. Produire un manga l’est aussi. On doit le faire rapidement, à un rythme régulier tout en conservant la qualité afin de garder vivant l’intérêt du public. Un mangaka travaille en général avec une série d’assistants qui s’occupent de noircir les dessins, d’apposer les trames (motifs d’arrière-plan), pour que tout soit fait dans des délais très courts. Un métier exigeant, mais qui offre une grande popularité lorsque le succès est au rendez-vous. Le manga est une grande industrie. Ils paraissent d’abord par chapitres dans des magazines. C’est ainsi qu’ils se font connaître du grand public en pré-publication dans des magazines spécialisés dans certains genres et centrés sur un type de lecteur. S’ils sont populaires, ils sortiront ensuite en volume relié : le manga tel qu’on le connaît. Ensuite, ils sont adaptés en animés et ainsi de suite.

Plus une série est populaire, plus elle est propulsée vers le devant de la scène avec des adaptations, des goodies et toutes sortes de produits dérivés. Dans les librairies et les magasins spécialisés, on retrouve nombre d’objets et de figurines à l’effigie de ces héros. Les grands succès vont aux séries à grand déploiement qui s’échelonnent sur de nombreux tomes. Pour n’en citer que quelques-uns parmi les plus grands : Naruto, l’un des mangas les plus vendus dans le monde (250 millions d’exemplaires vendus) compte 72 tomes et One piece, qui est en train de dépasser tous les records (490 millions d’exemplaires vendus) en compte actuellement 101. Si on se penche précisément sur les titres les plus populaires de l’année 2021, on peut citer ces séries qui se vendent toutes par millions d’exemplaires : L’Attaque des titans, My hero academia, Jujutsu kaisen, SPYxFAMILY, Moi quand je me réincarne en slime.

                                                    

Les mangakas doivent produire énormément en un court laps de temps et doivent constamment conserver l’intérêt du lecteur au risque de voir leur série annulée. Plaire et être populaire. Ce média y arrive très bien. Même en France, il est possible d’avoir un épuisement des stocks dès la première journée de vente d’un nouveau tome. C’est également une réalité au Japon pour les sorties très attendues. L’engouement pour les mangas est maintenant un phénomène international. Bien qu’ils soient plus ancrés dans la culture populaire de leur pays d’origine, les mangas traversent aujourd’hui toutes les frontières.

Et grâce aux traductions, cet univers très riche et productif est mis à notre portée.

 

L’engouement pour les mangas au Québec

Le manga a pris un véritable essor au Québec dans les dernières années. Le deuxième plus grand consommateur de mangas (après le Japon, bien sûr) est la France. Ce qui est bien pour nous, canadiens francophones, car un très large catalogue d’œuvres est traduit en français et est accessible via nos cousins français. Malgré tout, c’est la montée en popularité du côté des États-Unis qui les fait réellement connaître du grand public. Sa production rapide, intensive et en constante évolution en fonction de la faveur du public, ses codes et particularités en ont fait un média apprécié qui n’est plus seulement réservé aux « geek ». Ce ne sont plus seulement qu’eux qui franchissent les portes des librairies spécialisées du Québec, mais tout un nouveau public. C’est toute une autre culture qui s’ouvre à nous.

Beaucoup de mangas étaient déjà arrivés jusqu’aux Québécois via les dessins animés il y a 25 ans. Leur version papier a mis plus de temps à se faire une place dans nos bibliothèques, mais elle y est arrivée. On en dénombre de plus en plus et une bonne part des bandes dessinées vendues dans l’année 2021 étaient des mangas !

Les mangas sont reconnus pour avoir un style éclaté, des dessins dynamiques et des personnages aux grands yeux brillants. Leurs couvertures de toutes les couleurs ont de quoi étourdir lorsqu’on se tient devant la section manga d’une librairie. Mais il y a infiniment plus à découvrir. Laissez-vous tenter…

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On été consultés pour cet article :

https://www.manga-news.com/

https://universdujapon.com/blogs/japon/histoire-du-manga

https://www.valeriemangin.com/2020/11/02/osamu-tezuka/

https://www.fangirl.eu/2007/08/05/petit-historique-de-lanime-et-du-manga-en-france-de-1978-a-2003/

https://www.librairielaliberte.com/manga-dhier-a-aujourdhui

https://lesitedujapon.com/top-20-mangas-plus-vendus-de-temps/

https://www.ledevoir.com/lire/662613/lecture-2021-l-annee-de-la-manga-mania-au-quebec?fbclid=IwAR2Af0J60-E7JVeTRmryAH1bT8gjgJHYuC3mVGzt40Atay07njmD5jeZQLM

https://otakulounge.com/comment-le-manga-est-percu-au-japon/

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